Un signal fort pour assainir le secteur de la banque d’agents
La Banque centrale du Nigeria (CBN) a annoncé une nouvelle mesure disciplinaire à l’encontre des opérateurs de services bancaires via terminaux de point de vente (PoS). Désormais, toute entreprise qui modifie sa structure de propriété sans l’approbation préalable du régulateur s’expose à une amende de 20 millions de nairas (environ 13 000 dollars).
Cette disposition, inscrite dans les nouvelles “Guidelines for the Operations of Agent Banking in Nigeria”, vise à renforcer la transparence et la conformité dans un secteur en pleine expansion — mais aussi de plus en plus exposé à la fraude et aux pratiques douteuses.
Un secteur devenu incontournable
Au Nigeria, les services de banque d’agents (agent banking) représentent une véritable colonne vertébrale de l’inclusion financière. Grâce aux terminaux PoS, des millions de citoyens peuvent déposer, retirer ou transférer de l’argent sans se rendre dans une agence bancaire.
Ce modèle, popularisé par des entreprises comme Opay, Moniepoint, PalmPay ou encore FirstMonie, a connu une croissance fulgurante ces cinq dernières années.
Cependant, cette explosion s’est accompagnée d’une multiplication des acteurs informels, souvent mal encadrés, opérant sans licence claire ou changeant de propriétaires sans en informer la CBN.
Transparence et traçabilité au cœur du dispositif
Selon la Banque centrale, les changements non déclarés dans la structure de propriété posent un risque majeur de blanchiment d’argent et de financement illicite.
Le nouveau cadre réglementaire impose donc aux opérateurs de soumettre toute modification d’actionnariat, de direction ou de contrôle pour approbation préalable, sous peine d’amende.
Cette exigence vise à renforcer la traçabilité des flux financiers et à empêcher que des entités non autorisées prennent le contrôle d’un réseau d’agents — un risque déjà observé dans plusieurs États du pays.
Un durcissement qui s’inscrit dans une stratégie plus large
Depuis le début de l’année, la CBN a multiplié les initiatives pour nettoyer l’écosystème fintech et bancaire nigérian, fragilisé par des scandales de non-conformité et de blanchiment présumé.
Après avoir restreint les opérations de plusieurs plateformes crypto, le régulateur s’attaque désormais au réseau PoS, devenu un pilier du quotidien économique.
Les nouvelles directives exigent également :
- une vérification renforcée des agents individuels (KYC complet et registre national) ;
- une limitation des commissions abusives sur les retraits et transferts ;
- et la suspension automatique des licences en cas de récidive.
Entre contrôle et innovation : un équilibre délicat
Si cette mesure est saluée par certains acteurs comme un pas vers la professionnalisation du secteur, d’autres y voient une tentative d’étouffement de l’innovation.
Pour de nombreux petits agents PoS, souvent auto-entrepreneurs dans les zones rurales, les démarches administratives imposées par la CBN risquent d’être un frein supplémentaire à leur activité.
Cependant, pour la Banque centrale, l’enjeu est clair : garantir la stabilité du système financier tout en consolidant la confiance des citoyens dans les services de paiement décentralisés.
Enjeux pour l’Afrique francophone
Le cas nigérian résonne bien au-delà de ses frontières. Alors que les pays francophones de la CEDEAO cherchent à structurer leurs propres cadres de régulation du mobile money et de la banque d’agents, cette décision de la CBN pourrait servir de référence régionale.
Entre inclusion financière et surveillance accrue, le Nigeria teste — une fois de plus — les limites d’une régulation à la fois protectrice et contraignante, dans un contexte où la confiance numérique devient un enjeu central pour tout le continent.