AFRIQASH
Participer Contactez-nous

Fintech africaine : brisons les nouvelles chaînes numériques

On nous vend la fintech comme une révolution. On nous répète qu’elle va sauver l’Afrique, inclure les exclus, connecter les oubliés. Des logos colorés, des levées de fonds record, des slogans séduisants : l’Afrique serait enfin “bancarisée” grâce à son téléphone portable. Mais derrière ce récit enjolivé se cache une autre vérité : une nouvelle dépendance qui avance masquée.

La majorité des géants de la fintech africaine n’ont d’africain que le nom. Derrière les façades locales, les capitaux viennent de la Silicon Valley, de Londres ou de Paris. Derrière les promesses d’inclusion, ce sont des investisseurs étrangers qui dictent la stratégie, décident des priorités et contrôlent nos données. Les applications que nous utilisons chaque jour sont des mines d’or informationnelles, et ce trésor — nos données financières, nos habitudes de consommation, nos comportements — est siphonné au profit de ceux qui, ailleurs, tirent les ficelles.

C’est une illusion dangereuse de croire que la fintech, telle qu’elle est aujourd’hui financée et structurée, est synonyme de libération. C’est une chaîne invisible, une colonisation numérique qui s’installe dans nos poches. Après le franc CFA, voici le risque d’un nouvel instrument de dépendance : des infrastructures financières contrôlées de l’extérieur, mais rendues indispensables à notre quotidien.

Alors posons la question frontalement : voulons-nous être les cobayes d’un capitalisme numérique global, ou les maîtres de notre propre avenir financier ?

L’Afrique doit reprendre le contrôle. Cela veut dire exiger que les données générées ici restent ici. Cela veut dire financer nos fintechs avec des capitaux africains, des fonds souverains, des investisseurs locaux, au lieu de céder nos joyaux au premier fonds de capital-risque venu. Cela veut dire imposer une régulation claire, protectrice, qui empêche la prédation et oblige les plateformes à rendre des comptes.

La véritable révolution fintech ne se mesure pas en millions d’utilisateurs ni en milliards levés auprès d’investisseurs étrangers. Elle se mesurera le jour où un paysan sénégalais, une vendeuse congolaise, un jeune développeur malien auront accès à des outils conçus pour eux, contrôlés par eux, sécurisés pour eux. Elle se mesurera le jour où nous briserons les chaînes invisibles de la dépendance numérique pour bâtir une souveraineté technologique et financière africaine.

Il ne s’agit plus d’attendre. Il ne s’agit plus de subir. La fintech ne doit pas être un nouvel outil d’asservissement, mais une arme de liberté. À nous de décider si nous voulons être spectateurs de cette histoire, ou acteurs d’une révolution africaine qui ne sera ni importée ni dictée, mais créée par nous, pour nous.

-Anissa