Les paiements en ligne, c’est un peu comme ces nouveaux supermarchés climatisés qui débarquent dans nos quartiers : tout le monde en parle, tout le monde y va, mais personne n’est vraiment sûr d’en ressortir gagnant. En Afrique francophone, on clique, on paye, on transfère depuis son téléphone comme jamais auparavant. Mobile money, e-commerce, services publics digitalisés : la promesse d’un continent qui entre de plain-pied dans le futur.
Sauf que dans cette histoire, le futur ressemble parfois à une vieille arnaque repeinte en couleurs numériques.
Prenons les chiffres, pour commencer : selon la GSMA, plus de 60 % des adultes en Afrique de l’Ouest utilisent déjà un compte mobile money. Un record qui ferait pâlir d’envie certains pays européens. Les fintechs locales – CinetPay, PayDunya, InTouch – se sont taillé une place d’intermédiaires de confiance, entre le consommateur et les géants du commerce en ligne. À côté, Jumia, Glovo et consorts multiplient les campagnes de pub et s’installent dans les habitudes des citadins branchés. Même les administrations s’y mettent : payer ses taxes ou ses frais d’université en ligne devient la norme. Tout va bien, donc ? Pas vraiment.
Parce que derrière cette façade clinquante, les escrocs aussi ont flairé la bonne affaire. Faux sites marchands, courriels piégés, plateformes fantômes… chaque mois, des milliers d’Africains voient leurs maigres économies aspirées par des fraudeurs invisibles. Difficile d’estimer les pertes, mais les chiffres se comptent en milliards de FCFA. Un utilisateur à Abidjan raconte, mi-amusé, mi-écœuré : « J’ai payé un smartphone en ligne. Tout était parfait, sauf que le site a disparu dès le lendemain. Je me console en me disant que j’ai financé l’imagination de quelqu’un. »
À cela s’ajoute un autre problème : la régulation. La BCEAO, prudente, a bien esquissé quelques règles, mais face à la vitesse de l’innovation, c’est comme si on essayait de courir après un bolide avec une paire de sandales usées. Résultat : la protection des consommateurs reste insuffisante.
Et puis, il y a le spectre du piratage. Chaque transaction en ligne est une porte potentielle pour des cybercriminels souvent mieux équipés que les services locaux de cybersécurité. Un expert sénégalais résume la situation d’un trait d’humour grinçant : « Ici, on fait la guerre numérique avec des coupe-coupe. »
Enfin, il faut parler de dépendance. Oui, des fintechs africaines existent et innovent. Mais une grande partie des infrastructures techniques – serveurs, plateformes de paiement, outils de sécurité – reste entre les mains de sociétés basées en Europe, aux États-Unis ou en Asie. Les États africains se retrouvent donc à déléguer, parfois sans s’en rendre compte, la souveraineté des données financières de leurs citoyens à des multinationales étrangères.
Alors, que faire ? Les experts répètent la même rengaine : renforcer la régulation et la cybersécurité, investir dans des infrastructures locales, imposer plus de contrôle sur les flux financiers numériques. Mais dans la pratique, le terrain avance souvent plus vite que la loi.
Les paiements en ligne en Afrique francophone, c’est une formidable opportunité économique, une porte ouverte vers une inclusion financière plus large. Mais c’est aussi un terrain miné, où chaque clic peut cacher une arnaque, un piratage ou une dépendance invisible. En clair : la modernité est bien là, mais elle arrive avec ses propres pièges.
-Abdoulaye