Il y a des signatures qui pèsent plus lourd que des chaînes. Dans les couloirs feutrés des ministères, loin des regards, se négocient des contrats dont les peuples ne voient jamais la couleur. Tout se joue derrière des portes closes, avec des stylos trempés dans l’encre de la compromission. Et l’Afrique, une fois de plus, se retrouve ligotée par des accords qu’elle n’a jamais choisis.
Ces contrats opaques sont notre malédiction moderne. Hier, on nous prenait nos terres et nos bras par la force. Aujourd’hui, on nous vole nos richesses par la paperasse et les paraphes. Les grandes entreprises, souvent étrangères mais pas seulement, s’invitent dans nos capitales, offrent quelques promesses, graissent quelques mains, et repartent avec des concessions colossales. Les mines, les loteries, les télécoms, les infrastructures : tout est à vendre, tout est bradé. Ce qui devrait appartenir au peuple devient le butin de quelques initiés.
Le scandale n’est pas seulement dans les chiffres — des millions qui disparaissent, des budgets qui s’évaporent, des revenus détournés. Le scandale est dans la manière. Dans cette obscurité organisée, ce secret érigé en méthode. Le citoyen, lui, n’a pas accès aux contrats. Pas un mot, pas une ligne, pas une explication. Comme si son argent, ses ressources, sa souveraineté ne le concernaient pas. On lui demande de se taire, de payer ses impôts, et de regarder ailleurs.
Mais comment regarder ailleurs quand tout s’effondre autour de nous ? Quand nos écoles manquent de bancs, nos hôpitaux de médicaments, nos routes de goudron, pendant que des multinationales empochent des profits astronomiques grâce à des accords scellés dans l’ombre ? Comment croire encore à l’État quand il se fait le courtier discret d’intérêts étrangers ?
Il est temps de briser ce silence complice. Ces contrats opaques doivent être exposés au grand jour. Chaque citoyen a le droit de savoir à quel prix ses ressources sont vendues, qui encaisse, qui paie, qui profite. La transparence n’est pas un luxe : c’est une arme contre la corruption, une barrière contre la prédation, une condition pour la dignité.
On nous répète que « c’est la loi du marché », que « tous les pays font pareil », que « la confidentialité est nécessaire ». Des mensonges. La confidentialité ne protège jamais les peuples, elle protège toujours les prédateurs. Les vraies nations fortes sont celles qui publient leurs accords, qui rendent des comptes, qui placent la souveraineté au-dessus des deals obscurs.
L’Afrique ne peut pas bâtir son avenir sur des contrats secrets signés à la sauvette. Tant que nous accepterons que nos richesses se négocient dans le noir, nous resterons prisonniers de l’ombre. Mais le jour où la lumière sera faite sur ces accords, le jour où chaque contrat sera public, lisible et débattu, ce jour-là, nous aurons commencé à reprendre ce qui nous appartient : notre dignité, notre souveraineté, notre avenir.
– Aboubacar